La poterie "féminine" du Rif marocain

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content String Seulgi Lee décrit son œuvre <em>MACHRUK</em> (مشْروك), comme « une poterie vernaculaire de biberon ». Cette œuvre est issue d'un travail collaboratif avec Aïcha Lakhal, dans la région du Rif au Maroc. Depuis le néolithique, l'ensemble du Maghreb, et cette région tout particulièrement, sont marqués par la pratique d'une forme de poterie traditionnelle. Cette technique rurale se transmet par les femmes de génération en génération, pour un usage réservé aux besoins de la famille, en privilégiant l’emploi de matériaux locaux. Son utilisation est liée aux besoins de la vie quotidienne (cuire, chauffer, préparer, conserver) et elle permet de produire différents contenants : <em>khabia,</em> la jarre ; <em>guembou</em>r, la cruche ; <em>barrada,</em> le broc ; <em>ghorraf,</em> le gobelet ; <em>hallab, </em>le vase à lait ; <em>jabbana,</em> la soupière à couvercle et <em>qallouch,</em> le pot à beurre. Ainsi, pour la maîtresse de maison, « [le] rythme du travail est marqué par son caractère domestique et la fabrication des poteries est une activité parmi celles qui jalonnent la vie quotidienne […]<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a> », puisqu'une « motte d’argile pétrie doit être mise en forme et une ébauche commencée doit être achevée avant que l’argile ne durcisse<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> ». Pour autant, certaines femmes s’organisent en douars-potiers, c'est-à-dire en corporations, afin de produire en grande quantité, comme c'est le cas à Aïn Bouchrik, où a été réalisée l'œuvre <em>MACHRUK. </em>La production de poterie dans ce village a acquis une certaine renommée, et on y comptait en 1930 entre 30 et 40 potières. Enfin, cette forme de poterie est modelée (à la différence des poteries tournées, propres aux ateliers masculins) et elle se distingue des poteries citadines et richement décorées, sorties des grands ateliers comme Tétouan, Fès, ou Salé, où s’activent des potiers organisés en corporations depuis le Moyen Âge. Bien que fonctionnelle, la poterie féminine du Rif admet pourtant certaines ornementations ou l'application de motifs peints, issus de coutumes tribales, de la même façon que pour le tissage, notamment. &nbsp; <u>Les étapes de fabrication :</u> <ul> <li><strong>L’argile et le façonnage :</strong> l’argile calcaire qui est utilisée est recueillie à proximité de la maison ou du village. Les mottes sont réduites en poudre pour être mélangées à de l’eau afin d’obtenir une pâte. Par modelage traditionnel, le façonnage se fait sans tour avec un outillage rudimentaire ; après séchage, les pièces peuvent être recouvertes d’un engobe (enduit argileux) blanchâtre et d’un décor d’ocre rouge et brun dont les motifs sont rectilignes.</li> <li><strong>Le séchage :</strong> après fabrication, les poteries sèchent devant la maison ou près du point de cuisson.</li> <li><strong>La cuisson :</strong> elle ne nécessite pas systématiquement de four, elle peut se faire à même le sol, « à feu ouvert », alimentée par des branchages et des excréments d’ânes ou de vaches comme combustibles.</li> </ul> <a href="#_ftnref1" name="_ftn1"></a> &nbsp; &nbsp; [gallery link="file" columns="2" ids="14320,14319,14318,14315"] &nbsp; <a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> H. Balfet,<em> Poterie féminine et poterie masculine au Maghreb</em>, thèse de doctorat d’État, sous la direction de A. Leroi-Gourhan, Paris, 1977, 2 vols., II, p. 155. <a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> <em>Ibidem</em>, p. 156. &nbsp;
Seulgi Lee décrit son œuvre MACHRUK (مشْروك), comme « une poterie vernaculaire de biberon ». Cette œuvre est issue d'un travail collaboratif avec Aïcha Lakhal, dans la région du Rif au Maroc. Depuis le néolithique, l'ensemble du Maghreb, et cette région tout particulièrement, sont marqués par la pratique d'une forme de poterie traditionnelle. Cette technique rurale se transmet par les femmes de génération en génération, pour un usage réservé aux besoins de la famille, en privilégiant l’emploi de matériaux locaux. Son utilisation est liée aux besoins de la vie quotidienne (cuire, chauffer, préparer, conserver) et elle permet de produire différents contenants : khabia, la jarre ; guembour, la cruche ; barrada, le broc ; ghorraf, le gobelet ; hallab, le vase à lait ; jabbana, la soupière à couvercle et qallouch, le pot à beurre. Ainsi, pour la maîtresse de maison, « [le] rythme du travail est marqué par son caractère domestique et la fabrication des poteries est une activité parmi celles qui jalonnent la vie quotidienne […][1] », puisqu'une « motte d’argile pétrie doit être mise en forme et une ébauche commencée doit être achevée avant que l’argile ne durcisse[2] ». Pour autant, certaines femmes s’organisent en douars-potiers, c'est-à-dire en corporations, afin de produire en grande quantité, comme c'est le cas à Aïn Bouchrik, où a été réalisée l'œuvre MACHRUK. La production de poterie dans ce village a acquis une certaine renommée, et on y comptait en 1930 entre 30 et 40 potières. Enfin, cette forme de poterie est modelée (à la différence des poteries tournées, propres aux ateliers masculins) et elle se distingue des poteries citadines et richement décorées, sorties des grands ateliers comme Tétouan, Fès, ou Salé, où s’activent des potiers organisés en corporations depuis le Moyen Âge. Bien que fonctionnelle, la poterie féminine du Rif admet pourtant certaines ornementations ou l'application de motifs peints, issus de coutumes tribales, de la même façon que pour le tissage, notamment.   Les étapes de fabrication :
  • L’argile et le façonnage : l’argile calcaire qui est utilisée est recueillie à proximité de la maison ou du village. Les mottes sont réduites en poudre pour être mélangées à de l’eau afin d’obtenir une pâte. Par modelage traditionnel, le façonnage se fait sans tour avec un outillage rudimentaire ; après séchage, les pièces peuvent être recouvertes d’un engobe (enduit argileux) blanchâtre et d’un décor d’ocre rouge et brun dont les motifs sont rectilignes.
  • Le séchage : après fabrication, les poteries sèchent devant la maison ou près du point de cuisson.
  • La cuisson : elle ne nécessite pas systématiquement de four, elle peut se faire à même le sol, « à feu ouvert », alimentée par des branchages et des excréments d’ânes ou de vaches comme combustibles.
    [gallery link="file" columns="2" ids="14320,14319,14318,14315"]   [1] H. Balfet, Poterie féminine et poterie masculine au Maghreb, thèse de doctorat d’État, sous la direction de A. Leroi-Gourhan, Paris, 1977, 2 vols., II, p. 155. [2] Ibidem, p. 156.  
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content_filtered String <p>Seulgi Lee décrit son œuvre <em>MACHRUK</em> (مشْروك), comme « une poterie vernaculaire de biberon ». Cette œuvre est issue d&rsquo;un travail collaboratif avec Aïcha Lakhal, dans la région du Rif au Maroc.</p> <p>Depuis le néolithique, l&rsquo;ensemble du Maghreb, et cette région tout particulièrement, sont marqués par la pratique d&rsquo;une forme de poterie traditionnelle. Cette technique rurale se transmet par les femmes de génération en génération, pour un usage réservé aux besoins de la famille, en privilégiant l’emploi de matériaux locaux. Son utilisation est liée aux besoins de la vie quotidienne (cuire, chauffer, préparer, conserver) et elle permet de produire différents contenants : <em>khabia,</em> la jarre ; <em>guembou</em>r, la cruche ; <em>barrada,</em> le broc ; <em>ghorraf,</em> le gobelet ; <em>hallab, </em>le vase à lait ; <em>jabbana,</em> la soupière à couvercle et <em>qallouch,</em> le pot à beurre.</p> <p>Ainsi, pour la maîtresse de maison, « [le] rythme du travail est marqué par son caractère domestique et la fabrication des poteries est une activité parmi celles qui jalonnent la vie quotidienne […]<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a> », puisqu&rsquo;une « motte d’argile pétrie doit être mise en forme et une ébauche commencée doit être achevée avant que l’argile ne durcisse<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> ». Pour autant, certaines femmes s’organisent en douars-potiers, c&rsquo;est-à-dire en corporations, afin de produire en grande quantité, comme c&rsquo;est le cas à Aïn Bouchrik, où a été réalisée l&rsquo;œuvre <em>MACHRUK. </em>La production de poterie dans ce village a acquis une certaine renommée, et on y comptait en 1930 entre 30 et 40 potières.</p> <p>Enfin, cette forme de poterie est modelée (à la différence des poteries tournées, propres aux ateliers masculins) et elle se distingue des poteries citadines et richement décorées, sorties des grands ateliers comme Tétouan, Fès, ou Salé, où s’activent des potiers organisés en corporations depuis le Moyen Âge. Bien que fonctionnelle, la poterie féminine du Rif admet pourtant certaines ornementations ou l&rsquo;application de motifs peints, issus de coutumes tribales, de la même façon que pour le tissage, notamment.</p> <p>&nbsp;</p> <p><u>Les étapes de fabrication :</u></p> <ul> <li><strong>L’argile et le façonnage :</strong> l’argile calcaire qui est utilisée est recueillie à proximité de la maison ou du village. Les mottes sont réduites en poudre pour être mélangées à de l’eau afin d’obtenir une pâte. Par modelage traditionnel, le façonnage se fait sans tour avec un outillage rudimentaire ; après séchage, les pièces peuvent être recouvertes d’un engobe (enduit argileux) blanchâtre et d’un décor d’ocre rouge et brun dont les motifs sont rectilignes.</li> <li><strong>Le séchage :</strong> après fabrication, les poteries sèchent devant la maison ou près du point de cuisson.</li> <li><strong>La cuisson :</strong> elle ne nécessite pas systématiquement de four, elle peut se faire à même le sol, « à feu ouvert », alimentée par des branchages et des excréments d’ânes ou de vaches comme combustibles.</li> </ul> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1"></a></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <div class="rgg-container" data-rgg-id="1"> <div class="rgg-imagegrid captions-title captions-effect-none " data-rgg-id="1"> <a href="https://correspondances.la-criee.org/wp-content/uploads/2019/09/seulgi-MACHRUK-ainBouchrik-7527.jpg" data-rel="rgg" rel="rgg" title="" class="rgg-simplelightbox size-medium rgg-img" data-src="https://correspondances.la-criee.org/wp-content/uploads/2019/09/seulgi-MACHRUK-ainBouchrik-7527-300x218.jpg" data-ratio="1.3761467889908" data-height="218" data-width="300" aria-label=""> </a> <a href="https://correspondances.la-criee.org/wp-content/uploads/2019/09/seulgi-MACHRUK-ainBouchrik-0146.jpg" data-rel="rgg" rel="rgg" title="Photographie prise par Seulgi Lee &agrave; A&iuml;n Bouchrik, 2018-2019" class="rgg-simplelightbox size-medium rgg-img" data-src="https://correspondances.la-criee.org/wp-content/uploads/2019/09/seulgi-MACHRUK-ainBouchrik-0146-300x200.jpg" data-ratio="1.5" data-height="200" data-width="300" aria-label=""> </a> <a href="https://correspondances.la-criee.org/wp-content/uploads/2019/09/seulgi-MACHRUK-ainBouchrik-0145.jpg" data-rel="rgg" rel="rgg" title="Photographie prise par Seulgi Lee &agrave; A&iuml;n Bouchrik, 2018-2019" class="rgg-simplelightbox size-medium rgg-img" data-src="https://correspondances.la-criee.org/wp-content/uploads/2019/09/seulgi-MACHRUK-ainBouchrik-0145-300x200.jpg" data-ratio="1.5" data-height="200" data-width="300" aria-label=""> </a> <a href="https://correspondances.la-criee.org/wp-content/uploads/2019/09/seulgi-MACHRUK-4590.jpg" data-rel="rgg" rel="rgg" title="Photographie prise par Seulgi Lee &agrave; A&iuml;n Bouchrik, 2018-2019" class="rgg-simplelightbox size-medium rgg-img" data-src="https://correspondances.la-criee.org/wp-content/uploads/2019/09/seulgi-MACHRUK-4590-300x200.jpg" data-ratio="1.5" data-height="200" data-width="300" aria-label=""> </a> </div> </div> <p>&nbsp;</p> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> H. Balfet,<em> Poterie féminine et poterie masculine au Maghreb</em>, thèse de doctorat d’État, sous la direction de A. Leroi-Gourhan, Paris, 1977, 2 vols., II, p. 155.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> <em>Ibidem</em>, p. 156.</p> <p>&nbsp;</p>

Seulgi Lee décrit son œuvre MACHRUK (مشْروك), comme « une poterie vernaculaire de biberon ». Cette œuvre est issue d’un travail collaboratif avec Aïcha Lakhal, dans la région du Rif au Maroc.

Depuis le néolithique, l’ensemble du Maghreb, et cette région tout particulièrement, sont marqués par la pratique d’une forme de poterie traditionnelle. Cette technique rurale se transmet par les femmes de génération en génération, pour un usage réservé aux besoins de la famille, en privilégiant l’emploi de matériaux locaux. Son utilisation est liée aux besoins de la vie quotidienne (cuire, chauffer, préparer, conserver) et elle permet de produire différents contenants : khabia, la jarre ; guembour, la cruche ; barrada, le broc ; ghorraf, le gobelet ; hallab, le vase à lait ; jabbana, la soupière à couvercle et qallouch, le pot à beurre.

Ainsi, pour la maîtresse de maison, « [le] rythme du travail est marqué par son caractère domestique et la fabrication des poteries est une activité parmi celles qui jalonnent la vie quotidienne […][1] », puisqu’une « motte d’argile pétrie doit être mise en forme et une ébauche commencée doit être achevée avant que l’argile ne durcisse[2] ». Pour autant, certaines femmes s’organisent en douars-potiers, c’est-à-dire en corporations, afin de produire en grande quantité, comme c’est le cas à Aïn Bouchrik, où a été réalisée l’œuvre MACHRUK. La production de poterie dans ce village a acquis une certaine renommée, et on y comptait en 1930 entre 30 et 40 potières.

Enfin, cette forme de poterie est modelée (à la différence des poteries tournées, propres aux ateliers masculins) et elle se distingue des poteries citadines et richement décorées, sorties des grands ateliers comme Tétouan, Fès, ou Salé, où s’activent des potiers organisés en corporations depuis le Moyen Âge. Bien que fonctionnelle, la poterie féminine du Rif admet pourtant certaines ornementations ou l’application de motifs peints, issus de coutumes tribales, de la même façon que pour le tissage, notamment.

 

Les étapes de fabrication :

  • L’argile et le façonnage : l’argile calcaire qui est utilisée est recueillie à proximité de la maison ou du village. Les mottes sont réduites en poudre pour être mélangées à de l’eau afin d’obtenir une pâte. Par modelage traditionnel, le façonnage se fait sans tour avec un outillage rudimentaire ; après séchage, les pièces peuvent être recouvertes d’un engobe (enduit argileux) blanchâtre et d’un décor d’ocre rouge et brun dont les motifs sont rectilignes.
  • Le séchage : après fabrication, les poteries sèchent devant la maison ou près du point de cuisson.
  • La cuisson : elle ne nécessite pas systématiquement de four, elle peut se faire à même le sol, « à feu ouvert », alimentée par des branchages et des excréments d’ânes ou de vaches comme combustibles.

 

 

 

[1] H. Balfet, Poterie féminine et poterie masculine au Maghreb, thèse de doctorat d’État, sous la direction de A. Leroi-Gourhan, Paris, 1977, 2 vols., II, p. 155.

[2] Ibidem, p. 156.

 

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