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title | String Jacques Champion de Chambonnières, claveciniste, danseur et pédagogue |
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Jacques Champion de Chambonnières est l'auteur de l'une des pièces que l'on peut écouter dans <em>Dual Truth</em>, bien qu'il ne soit pas nommé sur les pochette des deux disques <em>Vérité du clavecin</em>. Il s'agit d'une interprétation de sa suite en Ré mineur. C'est autour de l'interprétation de cette pièce musicale que Yann Sérandour a décidé de bâtir la programmation d'un récital de clavecin à La Criée avec Pascal Dubreuil, claveciniste et professeur au Conservatoire à Rayonnement Régional de Rennes, qui nous présente cet illustre musicien, danseur et pédagogue :
"En 1670, à Paris, Jacques Champion de Chambonnières publie ses deux livres de <em>Pièces de Clavessin</em>. Il est alors âgé de 68 ou 69 ans (ses dates de naissance et de mort ne nous sont pas connues avec certitude : 1601 ou 1602 – 1672, 1674 au plus tard). En cette seconde moitié du 17<sup>e</sup> siècle c’est donc un homme fort âgé qui prend la décision de livrer au public, pour la première fois de sa vie, ce qu’il présente comme étant la version de référence de ses œuvres.
Dans la préface du <em>Livre Premier</em> il expose ainsi l’unique raison de cette publication : « <em>Le desavantage quil y a ordinairement a donner ses ouvrages au public m’avoit fait résoudre de me contenter de l’approbation que les personnes les plus augustes de l’Europe ont eu la bonté de donner a ces pièces, Lors que j’ay eu l’honneur de les leur faire entendre. Cependant les avis que je reçois de différents lieux quil s’en fait un espèce de commerce presque dans toutes les villes du monde, ou l’on a la connoissance du Clavessin, par les copies que l’on en distribue quoy qu’avec beaucoup de défauts &t ainsi fort a mon préjudice, m’ont fait croire que je devois donner volontairement ce que l’on m’otoit avec violence &t que je devois mettre au jour moy méme ce que d’autres y avoient desja mis a demy pour moy ; puis qu’aussi bien les donnant avec tous leurs agreements, comme je fais en ce recueil, elles seront sans doute, &t plus utiles au public, &t plus honorables pour moy, que toutes ces copies Infideles, qui paroissent sous mon nom </em>[…]. »
Ce témoignage de l’auteur est corroboré par les nombreux textes et sources qui nous confirment l’immense réputation qu’a eu Chambonnières dans de nombreux pays de l’Europe d’alors. Célébré unanimement de son vivant comme le plus excellent claveciniste de son temps, il fut considéré après sa mort, et encore de nos jours, comme le fondateur de ce que l’on a nommé plus tard l’école française de clavecin. Il succède à son père en 1643 comme claveciniste (<em>Joueur d’espinette</em>) de l’Ordinaire de la Chambre du Roi (l’année même de la mort de Louis XIII…). Désormais assuré d’une charge prestigieuse (et lucrative) auprès de Marie de Médicis, régente du royaume en attendant la majorité de Louis XIV, il mène une vie de grand train. Son premier mariage (au plus tard en 1631) avec Marie le Clerc, de petite noblesse campagnarde, lui avait permis de s’ennoblir en prenant le titre de Monsieur de Chambonnières, nom d’une gentilhommière anciennement propriété de la famille de son épouse. Il réside à Paris, y donne des leçons de clavecin à de nombreux élèves, et fonde, en 1641, <em>l’Assemblée des Honnestes Curieux</em>, sorte de société de concerts privés. Entouré d’une dizaine de musicien, Chambonnières donne ainsi des concerts à Paris chaque mercredi et samedi. C’est dans sa résidence de campagne, à Chaumes en Brie, lors d’une fête paysanne, aux alentours de 1650, qu’il entend les trois frères Couperin (Charles, Louis et François). Ayant remarqué leur talent, et particulièrement celui de Louis, il les fait venir à Paris et prend ce dernier comme élève chez lui.
Chambonnières était également <strong>un danseur remarquable</strong>. Nous savons qu’il dansa de nombreuses fois dans des ballets à la cour. Deux témoignages nous montrent qu’il était probablement aussi doué pour la danse que pour le clavecin : les deux dernières mentions de Chambonnières comme danseur datent en effet de 1653 (dans le ballet Royal de la Nuit de Bensérade, où il danse en compagnie de Lully et de Louis xiv) et de 1654 (dans le Ballet des Noces de Thétis et de Pelée de Caproni). Il avait donc plus de cinquante ans lors de ces deux apparitions comme danseur, ce qui, pour l’époque, est exceptionnel.
Claveciniste encensé dans toute l’Europe, danseur reconnu et talentueux, Chambonnières fut aussi <strong>un pédagogue renommé. </strong>Quasiment tous les clavecinistes qui se firent un nom à Paris au xvii<sup>e</sup> siècle furent ses élèves : Charles et Louis Couperin, Nicolas-Antoine Lebègue, Jean-Henry d’Anglebert, Jacques Hardel, Etienne Richard, Gautier… Son fort caractère lui valu quelques déboires : son divorce d’avec sa seconde épouse fut long et houleux ; le jeune Louis xiv, au moment de se choisir un maître de clavecin, lui préféra l’un de ses élèves, Etienne Richard ; peu après cette déconvenue il fut renvoyé de son poste d’Ordinaire de la Chambre du Roi parce qu’il refusait obstinément de jouer la basse continue dans l’orchestre de Lully, sous prétexte que ce rôle n’était pas digne de son talent…
C’est à ce moment, vers 1655, qu’il essaya – sans succès - de se faire engager par la reine Christine de Suède puis par l’Electeur de Brandebourg. Dans ces démarches il fut activement soutenu par Christiaan Huygens, le célèbre mathématicien et physicien néerlandais, membre de l’Académie des Sciences, qui était un fervent admirateur du talent de claveciniste et de compositeur de Chambonnières. Tous les témoignages concordent sur le fait que Chambonnières était capable d’émouvoir ses auditeurs, de les toucher au plus profond de l’âme, de les ravir par ses compositions tout autant que par son art unique de jouer du clavecin. On y loue sa façon d’ajouter des agréments subtils et nouveaux, son talent pour exprimer les différentes passions sur le clavecin, son art de la variété et de la surprise.
Citons-en deux, particulièrement intéressants et précis.
Marin Mersenne tout d’abord, dans son harmonie Universelle : « <em>Après avoir oüy le clavessin touché par le sieur de Chambonnières je ne peux exprimer mon sentiment, qu’en disant qu’il ne faut plus rien entendre après, soit qu’on désire les beaux chants &t les belles parties de l’harmonie meslées ensemble, ou la beauté des mouvements, le beau toucher, &t la légèreté, &t la vitesse de la main jointe à une oreille très délicate, de sorte qu’on peut dire que cet instrument à rencontré son dernier Maistre</em>. »
M<sup>r</sup> Le Gallois ensuite, dans sa <em>Lettre à mademoiselle Regnault de Solier touchant la Musique</em>, publiée en 1680 : « <em>Tout le monde sçait que cet illustre personnage </em>[Chambonnières<em>] a excellé par dessus les autres, tant à cause des pièces qu’il a composées, que parce qu’il a esté la source de la belle maniere du toucher, où il faisoit paroître un jeu brillant & un jeu coulant si bien conduit & si bien ménagé l’un avec l’autre qu’il estoit impossible de mieux faire. On sçait qu’outre la science & la netteté, il avoit une délicatesse de main que les autres n’avoient pas</em>. […]<em> On sçait aussi qu’il employoit toûjours dans ses pièces des chants naturels, tendres, & bien tournez, qu’on ne remarquoit point dans celles des autres ; & que toutes les fois qu’il joüoit une pièce il y méloit de nouvelles beautés par des ports de voix, des passages, & des agréments differens, avec des doubles cadences. Enfin il les diversiffioit tellement par toutes ces beautez différentes qu’il y faisoit toûjours trouver de nouvelles grâces. </em>»
Pascal Dubreuil, <em>Jacques Champion de Chambonnières, claveciniste, danseur et pédagogue. Transmissions et filiations musicales au 18e siècle</em>, août 2017
Jacques Champion de Chambonnières est l'auteur de l'une des pièces que l'on peut écouter dans Dual Truth, bien qu'il ne soit pas nommé sur les pochette des deux disques Vérité du clavecin. Il s'agit d'une interprétation de sa suite en Ré mineur. C'est autour de l'interprétation de cette pièce musicale que Yann Sérandour a décidé de bâtir la programmation d'un récital de clavecin à La Criée avec Pascal Dubreuil, claveciniste et professeur au Conservatoire à Rayonnement Régional de Rennes, qui nous présente cet illustre musicien, danseur et pédagogue :
"En 1670, à Paris, Jacques Champion de Chambonnières publie ses deux livres de Pièces de Clavessin. Il est alors âgé de 68 ou 69 ans (ses dates de naissance et de mort ne nous sont pas connues avec certitude : 1601 ou 1602 – 1672, 1674 au plus tard). En cette seconde moitié du 17e siècle c’est donc un homme fort âgé qui prend la décision de livrer au public, pour la première fois de sa vie, ce qu’il présente comme étant la version de référence de ses œuvres.
Dans la préface du Livre Premier il expose ainsi l’unique raison de cette publication : « Le desavantage quil y a ordinairement a donner ses ouvrages au public m’avoit fait résoudre de me contenter de l’approbation que les personnes les plus augustes de l’Europe ont eu la bonté de donner a ces pièces, Lors que j’ay eu l’honneur de les leur faire entendre. Cependant les avis que je reçois de différents lieux quil s’en fait un espèce de commerce presque dans toutes les villes du monde, ou l’on a la connoissance du Clavessin, par les copies que l’on en distribue quoy qu’avec beaucoup de défauts &t ainsi fort a mon préjudice, m’ont fait croire que je devois donner volontairement ce que l’on m’otoit avec violence &t que je devois mettre au jour moy méme ce que d’autres y avoient desja mis a demy pour moy ; puis qu’aussi bien les donnant avec tous leurs agreements, comme je fais en ce recueil, elles seront sans doute, &t plus utiles au public, &t plus honorables pour moy, que toutes ces copies Infideles, qui paroissent sous mon nom […]. »
Ce témoignage de l’auteur est corroboré par les nombreux textes et sources qui nous confirment l’immense réputation qu’a eu Chambonnières dans de nombreux pays de l’Europe d’alors. Célébré unanimement de son vivant comme le plus excellent claveciniste de son temps, il fut considéré après sa mort, et encore de nos jours, comme le fondateur de ce que l’on a nommé plus tard l’école française de clavecin. Il succède à son père en 1643 comme claveciniste (Joueur d’espinette) de l’Ordinaire de la Chambre du Roi (l’année même de la mort de Louis XIII…). Désormais assuré d’une charge prestigieuse (et lucrative) auprès de Marie de Médicis, régente du royaume en attendant la majorité de Louis XIV, il mène une vie de grand train. Son premier mariage (au plus tard en 1631) avec Marie le Clerc, de petite noblesse campagnarde, lui avait permis de s’ennoblir en prenant le titre de Monsieur de Chambonnières, nom d’une gentilhommière anciennement propriété de la famille de son épouse. Il réside à Paris, y donne des leçons de clavecin à de nombreux élèves, et fonde, en 1641, l’Assemblée des Honnestes Curieux, sorte de société de concerts privés. Entouré d’une dizaine de musicien, Chambonnières donne ainsi des concerts à Paris chaque mercredi et samedi. C’est dans sa résidence de campagne, à Chaumes en Brie, lors d’une fête paysanne, aux alentours de 1650, qu’il entend les trois frères Couperin (Charles, Louis et François). Ayant remarqué leur talent, et particulièrement celui de Louis, il les fait venir à Paris et prend ce dernier comme élève chez lui.
Chambonnières était également un danseur remarquable. Nous savons qu’il dansa de nombreuses fois dans des ballets à la cour. Deux témoignages nous montrent qu’il était probablement aussi doué pour la danse que pour le clavecin : les deux dernières mentions de Chambonnières comme danseur datent en effet de 1653 (dans le ballet Royal de la Nuit de Bensérade, où il danse en compagnie de Lully et de Louis xiv) et de 1654 (dans le Ballet des Noces de Thétis et de Pelée de Caproni). Il avait donc plus de cinquante ans lors de ces deux apparitions comme danseur, ce qui, pour l’époque, est exceptionnel.
Claveciniste encensé dans toute l’Europe, danseur reconnu et talentueux, Chambonnières fut aussi un pédagogue renommé. Quasiment tous les clavecinistes qui se firent un nom à Paris au xviie siècle furent ses élèves : Charles et Louis Couperin, Nicolas-Antoine Lebègue, Jean-Henry d’Anglebert, Jacques Hardel, Etienne Richard, Gautier… Son fort caractère lui valu quelques déboires : son divorce d’avec sa seconde épouse fut long et houleux ; le jeune Louis xiv, au moment de se choisir un maître de clavecin, lui préféra l’un de ses élèves, Etienne Richard ; peu après cette déconvenue il fut renvoyé de son poste d’Ordinaire de la Chambre du Roi parce qu’il refusait obstinément de jouer la basse continue dans l’orchestre de Lully, sous prétexte que ce rôle n’était pas digne de son talent…
C’est à ce moment, vers 1655, qu’il essaya – sans succès - de se faire engager par la reine Christine de Suède puis par l’Electeur de Brandebourg. Dans ces démarches il fut activement soutenu par Christiaan Huygens, le célèbre mathématicien et physicien néerlandais, membre de l’Académie des Sciences, qui était un fervent admirateur du talent de claveciniste et de compositeur de Chambonnières. Tous les témoignages concordent sur le fait que Chambonnières était capable d’émouvoir ses auditeurs, de les toucher au plus profond de l’âme, de les ravir par ses compositions tout autant que par son art unique de jouer du clavecin. On y loue sa façon d’ajouter des agréments subtils et nouveaux, son talent pour exprimer les différentes passions sur le clavecin, son art de la variété et de la surprise.
Citons-en deux, particulièrement intéressants et précis.
Marin Mersenne tout d’abord, dans son harmonie Universelle : « Après avoir oüy le clavessin touché par le sieur de Chambonnières je ne peux exprimer mon sentiment, qu’en disant qu’il ne faut plus rien entendre après, soit qu’on désire les beaux chants &t les belles parties de l’harmonie meslées ensemble, ou la beauté des mouvements, le beau toucher, &t la légèreté, &t la vitesse de la main jointe à une oreille très délicate, de sorte qu’on peut dire que cet instrument à rencontré son dernier Maistre. »
Mr Le Gallois ensuite, dans sa Lettre à mademoiselle Regnault de Solier touchant la Musique, publiée en 1680 : « Tout le monde sçait que cet illustre personnage [Chambonnières] a excellé par dessus les autres, tant à cause des pièces qu’il a composées, que parce qu’il a esté la source de la belle maniere du toucher, où il faisoit paroître un jeu brillant & un jeu coulant si bien conduit & si bien ménagé l’un avec l’autre qu’il estoit impossible de mieux faire. On sçait qu’outre la science & la netteté, il avoit une délicatesse de main que les autres n’avoient pas. […] On sçait aussi qu’il employoit toûjours dans ses pièces des chants naturels, tendres, & bien tournez, qu’on ne remarquoit point dans celles des autres ; & que toutes les fois qu’il joüoit une pièce il y méloit de nouvelles beautés par des ports de voix, des passages, & des agréments differens, avec des doubles cadences. Enfin il les diversiffioit tellement par toutes ces beautez différentes qu’il y faisoit toûjours trouver de nouvelles grâces. »
Pascal Dubreuil, Jacques Champion de Chambonnières, claveciniste, danseur et pédagogue. Transmissions et filiations musicales au 18e siècle, août 2017
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<p>Jacques Champion de Chambonnières est l’auteur de l’une des pièces que l’on peut écouter dans <em>Dual Truth</em>, bien qu’il ne soit pas nommé sur les pochette des deux disques <em>Vérité du clavecin</em>. Il s’agit d’une interprétation de sa suite en Ré mineur. C’est autour de l’interprétation de cette pièce musicale que Yann Sérandour a décidé de bâtir la programmation d’un récital de clavecin à La Criée avec Pascal Dubreuil, claveciniste et professeur au Conservatoire à Rayonnement Régional de Rennes, qui nous présente cet illustre musicien, danseur et pédagogue :</p>
<p>« En 1670, à Paris, Jacques Champion de Chambonnières publie ses deux livres de <em>Pièces de Clavessin</em>. Il est alors âgé de 68 ou 69 ans (ses dates de naissance et de mort ne nous sont pas connues avec certitude : 1601 ou 1602 – 1672, 1674 au plus tard). En cette seconde moitié du 17<sup>e</sup> siècle c’est donc un homme fort âgé qui prend la décision de livrer au public, pour la première fois de sa vie, ce qu’il présente comme étant la version de référence de ses œuvres.</p>
<p>Dans la préface du <em>Livre Premier</em> il expose ainsi l’unique raison de cette publication : « <em>Le desavantage quil y a ordinairement a donner ses ouvrages au public m’avoit fait résoudre de me contenter de l’approbation que les personnes les plus augustes de l’Europe ont eu la bonté de donner a ces pièces, Lors que j’ay eu l’honneur de les leur faire entendre. Cependant les avis que je reçois de différents lieux quil s’en fait un espèce de commerce presque dans toutes les villes du monde, ou l’on a la connoissance du Clavessin, par les copies que l’on en distribue quoy qu’avec beaucoup de défauts &t ainsi fort a mon préjudice, m’ont fait croire que je devois donner volontairement ce que l’on m’otoit avec violence &t que je devois mettre au jour moy méme ce que d’autres y avoient desja mis a demy pour moy ; puis qu’aussi bien les donnant avec tous leurs agreements, comme je fais en ce recueil, elles seront sans doute, &t plus utiles au public, &t plus honorables pour moy, que toutes ces copies Infideles, qui paroissent sous mon nom </em>[…]. »</p>
<p>Ce témoignage de l’auteur est corroboré par les nombreux textes et sources qui nous confirment l’immense réputation qu’a eu Chambonnières dans de nombreux pays de l’Europe d’alors. Célébré unanimement de son vivant comme le plus excellent claveciniste de son temps, il fut considéré après sa mort, et encore de nos jours, comme le fondateur de ce que l’on a nommé plus tard l’école française de clavecin. Il succède à son père en 1643 comme claveciniste (<em>Joueur d’espinette</em>) de l’Ordinaire de la Chambre du Roi (l’année même de la mort de Louis XIII…). Désormais assuré d’une charge prestigieuse (et lucrative) auprès de Marie de Médicis, régente du royaume en attendant la majorité de Louis XIV, il mène une vie de grand train. Son premier mariage (au plus tard en 1631) avec Marie le Clerc, de petite noblesse campagnarde, lui avait permis de s’ennoblir en prenant le titre de Monsieur de Chambonnières, nom d’une gentilhommière anciennement propriété de la famille de son épouse. Il réside à Paris, y donne des leçons de clavecin à de nombreux élèves, et fonde, en 1641, <em>l’Assemblée des Honnestes Curieux</em>, sorte de société de concerts privés. Entouré d’une dizaine de musicien, Chambonnières donne ainsi des concerts à Paris chaque mercredi et samedi. C’est dans sa résidence de campagne, à Chaumes en Brie, lors d’une fête paysanne, aux alentours de 1650, qu’il entend les trois frères Couperin (Charles, Louis et François). Ayant remarqué leur talent, et particulièrement celui de Louis, il les fait venir à Paris et prend ce dernier comme élève chez lui.</p>
<p>Chambonnières était également <strong>un danseur remarquable</strong>. Nous savons qu’il dansa de nombreuses fois dans des ballets à la cour. Deux témoignages nous montrent qu’il était probablement aussi doué pour la danse que pour le clavecin : les deux dernières mentions de Chambonnières comme danseur datent en effet de 1653 (dans le ballet Royal de la Nuit de Bensérade, où il danse en compagnie de Lully et de Louis xiv) et de 1654 (dans le Ballet des Noces de Thétis et de Pelée de Caproni). Il avait donc plus de cinquante ans lors de ces deux apparitions comme danseur, ce qui, pour l’époque, est exceptionnel.</p>
<p>Claveciniste encensé dans toute l’Europe, danseur reconnu et talentueux, Chambonnières fut aussi <strong>un pédagogue renommé. </strong>Quasiment tous les clavecinistes qui se firent un nom à Paris au xvii<sup>e</sup> siècle furent ses élèves : Charles et Louis Couperin, Nicolas-Antoine Lebègue, Jean-Henry d’Anglebert, Jacques Hardel, Etienne Richard, Gautier… Son fort caractère lui valu quelques déboires : son divorce d’avec sa seconde épouse fut long et houleux ; le jeune Louis xiv, au moment de se choisir un maître de clavecin, lui préféra l’un de ses élèves, Etienne Richard ; peu après cette déconvenue il fut renvoyé de son poste d’Ordinaire de la Chambre du Roi parce qu’il refusait obstinément de jouer la basse continue dans l’orchestre de Lully, sous prétexte que ce rôle n’était pas digne de son talent…</p>
<p>C’est à ce moment, vers 1655, qu’il essaya – sans succès – de se faire engager par la reine Christine de Suède puis par l’Electeur de Brandebourg. Dans ces démarches il fut activement soutenu par Christiaan Huygens, le célèbre mathématicien et physicien néerlandais, membre de l’Académie des Sciences, qui était un fervent admirateur du talent de claveciniste et de compositeur de Chambonnières. Tous les témoignages concordent sur le fait que Chambonnières était capable d’émouvoir ses auditeurs, de les toucher au plus profond de l’âme, de les ravir par ses compositions tout autant que par son art unique de jouer du clavecin. On y loue sa façon d’ajouter des agréments subtils et nouveaux, son talent pour exprimer les différentes passions sur le clavecin, son art de la variété et de la surprise.</p>
<p>Citons-en deux, particulièrement intéressants et précis.</p>
<p>Marin Mersenne tout d’abord, dans son harmonie Universelle : « <em>Après avoir oüy le clavessin touché par le sieur de Chambonnières je ne peux exprimer mon sentiment, qu’en disant qu’il ne faut plus rien entendre après, soit qu’on désire les beaux chants &t les belles parties de l’harmonie meslées ensemble, ou la beauté des mouvements, le beau toucher, &t la légèreté, &t la vitesse de la main jointe à une oreille très délicate, de sorte qu’on peut dire que cet instrument à rencontré son dernier Maistre</em>. »</p>
<p>M<sup>r</sup> Le Gallois ensuite, dans sa <em>Lettre à mademoiselle Regnault de Solier touchant la Musique</em>, publiée en 1680 : « <em>Tout le monde sçait que cet illustre personnage </em>[Chambonnières<em>] a excellé par dessus les autres, tant à cause des pièces qu’il a composées, que parce qu’il a esté la source de la belle maniere du toucher, où il faisoit paroître un jeu brillant & un jeu coulant si bien conduit & si bien ménagé l’un avec l’autre qu’il estoit impossible de mieux faire. On sçait qu’outre la science & la netteté, il avoit une délicatesse de main que les autres n’avoient pas</em>. […]<em> On sçait aussi qu’il employoit toûjours dans ses pièces des chants naturels, tendres, & bien tournez, qu’on ne remarquoit point dans celles des autres ; & que toutes les fois qu’il joüoit une pièce il y méloit de nouvelles beautés par des ports de voix, des passages, & des agréments differens, avec des doubles cadences. Enfin il les diversiffioit tellement par toutes ces beautez différentes qu’il y faisoit toûjours trouver de nouvelles grâces. </em>»</p>
<p>Pascal Dubreuil, <em>Jacques Champion de Chambonnières, claveciniste, danseur et pédagogue. Transmissions et filiations musicales au 18e siècle</em>, août 2017</p>
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Jacques Champion de Chambonnières est l’auteur de l’une des pièces que l’on peut écouter dans Dual Truth, bien qu’il ne soit pas nommé sur les pochette des deux disques Vérité du clavecin. Il s’agit d’une interprétation de sa suite en Ré mineur. C’est autour de l’interprétation de cette pièce musicale que Yann Sérandour a décidé de bâtir la programmation d’un récital de clavecin à La Criée avec Pascal Dubreuil, claveciniste et professeur au Conservatoire à Rayonnement Régional de Rennes, qui nous présente cet illustre musicien, danseur et pédagogue : « En 1670, à Paris, Jacques Champion de Chambonnières publie ses deux livres de Pièces de Clavessin. Il est alors âgé de 68 ou 69 ans (ses dates de naissance et de mort ne nous sont pas connues avec certitude : 1601 ou 1602 – 1672, 1674 au plus tard). En cette seconde moitié du 17e siècle c’est donc un homme fort âgé qui prend la décision de livrer au public, pour la première fois de sa vie, ce qu’il présente comme étant la version de référence de ses œuvres. Dans la préface du Livre Premier il expose ainsi l’unique raison de cette publication : « Le desavantage quil y a ordinairement a donner ses ouvrages au public m’avoit fait résoudre de me contenter de l’approbation que les personnes les plus augustes de l’Europe ont eu la bonté de donner a ces pièces, Lors que j’ay eu l’honneur de les leur faire entendre. Cependant les avis que je reçois de différents lieux quil s’en fait un espèce de commerce presque dans toutes les villes du monde, ou l’on a la connoissance du Clavessin, par les copies que l’on en distribue quoy qu’avec beaucoup de défauts &t ainsi fort a mon préjudice, m’ont fait croire que je devois donner volontairement ce que l’on m’otoit avec violence &t que je devois mettre au jour moy méme ce que d’autres y avoient desja mis a demy pour moy ; puis qu’aussi bien les donnant avec tous leurs agreements, comme je fais en ce recueil, elles seront sans doute, &t plus utiles au public, &t plus honorables pour moy, que toutes ces copies Infideles, qui paroissent sous mon nom […]. » Ce témoignage de l’auteur est corroboré par les nombreux textes et sources qui nous confirment l’immense réputation qu’a eu Chambonnières dans de nombreux pays de l’Europe d’alors. Célébré unanimement de son vivant comme le plus excellent claveciniste de son temps, il fut considéré après sa mort, et encore de nos jours, comme le fondateur de ce que l’on a nommé plus tard l’école française de clavecin. Il succède à son père en 1643 comme claveciniste (Joueur d’espinette) de l’Ordinaire de la Chambre du Roi (l’année même de la mort de Louis XIII…). Désormais assuré d’une charge prestigieuse (et lucrative) auprès de Marie de Médicis, régente du royaume en attendant la majorité de Louis XIV, il mène une vie de grand train. Son premier mariage (au plus tard en 1631) avec Marie le Clerc, de petite noblesse campagnarde, lui avait permis de s’ennoblir en prenant le titre de Monsieur de Chambonnières, nom d’une gentilhommière anciennement propriété de la famille de son épouse. Il réside à Paris, y donne des leçons de clavecin à de nombreux élèves, et fonde, en 1641, l’Assemblée des Honnestes Curieux, sorte de société de concerts privés. Entouré d’une dizaine de musicien, Chambonnières donne ainsi des concerts à Paris chaque mercredi et samedi. C’est dans sa résidence de campagne, à Chaumes en Brie, lors d’une fête paysanne, aux alentours de 1650, qu’il entend les trois frères Couperin (Charles, Louis et François). Ayant remarqué leur talent, et particulièrement celui de Louis, il les fait venir à Paris et prend ce dernier comme élève chez lui. Chambonnières était également un danseur remarquable. Nous savons qu’il dansa de nombreuses fois dans des ballets à la cour. Deux témoignages nous montrent qu’il était probablement aussi doué pour la danse que pour le clavecin : les deux dernières mentions de Chambonnières comme danseur datent en effet de 1653 (dans le ballet Royal de la Nuit de Bensérade, où il danse en compagnie de Lully et de Louis xiv) et de 1654 (dans le Ballet des Noces de Thétis et de Pelée de Caproni). Il avait donc plus de cinquante ans lors de ces deux apparitions comme danseur, ce qui, pour l’époque, est exceptionnel. Claveciniste encensé dans toute l’Europe, danseur reconnu et talentueux, Chambonnières fut aussi un pédagogue renommé. Quasiment tous les clavecinistes qui se firent un nom à Paris au xviie siècle furent ses élèves : Charles et Louis Couperin, Nicolas-Antoine Lebègue, Jean-Henry d’Anglebert, Jacques Hardel, Etienne Richard, Gautier… Son fort caractère lui valu quelques déboires : son divorce d’avec sa seconde épouse fut long et houleux ; le jeune Louis xiv, au moment de se choisir un maître de clavecin, lui préféra l’un de ses élèves, Etienne Richard ; peu après cette déconvenue il fut renvoyé de son poste d’Ordinaire de la Chambre du Roi parce qu’il refusait obstinément de jouer la basse continue dans l’orchestre de Lully, sous prétexte que ce rôle n’était pas digne de son talent… C’est à ce moment, vers 1655, qu’il essaya – sans succès – de se faire engager par la reine Christine de Suède puis par l’Electeur de Brandebourg. Dans ces démarches il fut activement soutenu par Christiaan Huygens, le célèbre mathématicien et physicien néerlandais, membre de l’Académie des Sciences, qui était un fervent admirateur du talent de claveciniste et de compositeur de Chambonnières. Tous les témoignages concordent sur le fait que Chambonnières était capable d’émouvoir ses auditeurs, de les toucher au plus profond de l’âme, de les ravir par ses compositions tout autant que par son art unique de jouer du clavecin. On y loue sa façon d’ajouter des agréments subtils et nouveaux, son talent pour exprimer les différentes passions sur le clavecin, son art de la variété et de la surprise. Citons-en deux, particulièrement intéressants et précis. Marin Mersenne tout d’abord, dans son harmonie Universelle : « Après avoir oüy le clavessin touché par le sieur de Chambonnières je ne peux exprimer mon sentiment, qu’en disant qu’il ne faut plus rien entendre après, soit qu’on désire les beaux chants &t les belles parties de l’harmonie meslées ensemble, ou la beauté des mouvements, le beau toucher, &t la légèreté, &t la vitesse de la main jointe à une oreille très délicate, de sorte qu’on peut dire que cet instrument à rencontré son dernier Maistre. » Mr Le Gallois ensuite, dans sa Lettre à mademoiselle Regnault de Solier touchant la Musique, publiée en 1680 : « Tout le monde sçait que cet illustre personnage [Chambonnières] a excellé par dessus les autres, tant à cause des pièces qu’il a composées, que parce qu’il a esté la source de la belle maniere du toucher, où il faisoit paroître un jeu brillant & un jeu coulant si bien conduit & si bien ménagé l’un avec l’autre qu’il estoit impossible de mieux faire. On sçait qu’outre la science & la netteté, il avoit une délicatesse de main que les autres n’avoient pas. […] On sçait aussi qu’il employoit toûjours dans ses pièces des chants naturels, tendres, & bien tournez, qu’on ne remarquoit point dans celles des autres ; & que toutes les fois qu’il joüoit une pièce il y méloit de nouvelles beautés par des ports de voix, des passages, & des agréments differens, avec des doubles cadences. Enfin il les diversiffioit tellement par toutes ces beautez différentes qu’il y faisoit toûjours trouver de nouvelles grâces. » Pascal Dubreuil, Jacques Champion de Chambonnières, claveciniste, danseur et pédagogue. Transmissions et filiations musicales au 18e siècle, août 2017
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